La Gaza Nouvelle

Ne t ‘attarde pas davantage
dans le ventre de ta mère mon fils,
dépêche-toi d’arriver!
Si je te presse de venir,
ce n’est pas que je sois impatient de te voir
mais parce qu’ici la guerre s’est déclarée
et j’ai peur que tu ne puisses plus reconnaître le pays
dont je t’ai tant parlé.

Ni la terre ni la mer ne purent prédire
ce qui nous arriva
alors viens vite faire la connaissance de ton people
avant que la guerre ne le rende méconnaissable
et que je ne sois obligé de ramasser les lambeaux de chair
de ceux qui sont partis et de ceux qui partiront.
Tous ceux qui sont partis étaient beaux et innocents
et avaient des enfants qui te ressemblaient.
Ces enfants n’avaient pas beaucoup de choix:
ils pouvaient mourir ou vivre orphelins.

Ne tarde pas à venir mon garçon car si tu le faisais
tu ne pourrais jamais croire que cette terre avait un peuple
et que nous y avons vécu.
Deux fois, ils nous en ont exclus
mais, soixante-quinze ans plus tard,
nous nous sommes révoltés même si la chance ne semblait pas de notre côté
et que l’espoir s’amenuisait.

Je sais, mon garçon, que le fardeau est trop lourd pour toi.
Excuse-moi donc car je t’expose au même danger que cette gazelle qui accouche sous les yeux d’une hyène affamée.
Ne mets pas beaucoup de temps pour venir mon enfant
mais tâche, une fois là, de courir aussi loin que tu peux
pour que je ne sois pas rongé par les regrets.

Hier, je me suis ravisé et j’ai eu pitié de toi.
Je me suis sommé de me taire en me demandant:
pourquoi exposerais-je mon doux chérubin à cette effroyable tempête?
Mais, aussitôt cette résolution prise,
je suis revenu te harceler encore une fois de venir car ils ont commis l’inconcevable:
ils ont bombardé l’hôpital chrétien de Gaza!
Parmi les cinq cents victimes,
il y avait un gosse à qui on avait explosé la tête mais dont les yeux restaient ouverts.
À ses côtés, son frère pleurait amèrement en geignant:
Me vois-tu mon frère? Me vois-tu?
Non, il ne le voyait pas et le monde ne le voyait pas.
Ce monde se contenta de condamner verbalement cet acte barbare,
s’empressa de tourner rapidement la page
et jeta le gosse et son frère aux oubliettes.

Que puis-je te dire maintenant? Le drame est indescriptible
et semble pareil à une bête insatiable et enragée qui se déchaîne contre moi
et rend toute parole vaine, toute expression inutile.
Les voilà, les paroles et les expressions, qui tombent près des cadavres.

En temps de guerre, peut-on compter sur le poète?
Il est aussi lent qu’une tortue et sa lenteur ne pourra jamais rivaliser
avec la rapidité de ceux qui commettent les massacres!
Tels des lapins allègres, ils sautent d’un crime à l’autre!
Ils viennent à peine de bombarder sous les yeux de Dieu l’Eglise des Romains!
Dieu venait d’assister quelques instants plus tôt à la destruction d’une mosquée
qui fut entièrement rasée!
On croyait qu’on était sous la protection de Dieu, mais où est-il Dieu???
Est-il dans les cieux? Le seul Dieu qu’on voit pour le moment semble être ces bombardiers qui sillonnent les cieux et qui s’attaquent à nous!
Désormais, il y aura assez de place sur le crucifix pour tous les prophètes.
Dieu le sait, mais toi et tes semblables l’ignorent encore …

 


poème de Marwan Makhoul. traduit par Houda Majdoub
French translation of Marwan Makhoul’s poem, New Gaza, by Houda Majdoub

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